vendredi 26 septembre 2008

L'histoire du crapaud qui sentait l'ail

Le pélobate brun (Pelobates fuscus) est un charmant petit crapaud étonnant à plus d'un titre.


Tout Mimi!
L'idée qu'on se fait du crapaud n'est pas nécessairement celle d'un mignon animal. Le stéréotype renvoie généralement à une bestiole baveuse, pleine de pustules... répugnante quoi. Déjà, je trouve que ça se discute pour le crapaud commun, qui, certes, est quelque peu ventru et pustuleux, mais a de si beaux yeux!
Dans le cas du pélobate, la peau est bien plus lisse, et sa teinte, très variable, est souvent très esthétique.
On peut se faire une bonne idée de l'espèce ici
Celui que j'ai photographié (je reconnais que ma photo est bien loin d'être fantastique) était assez uniformément brun avec plein de petites taches rouges: un petit rouquin avec ses taches de rousseur! Je ne sais pas si la les crapauds français ont exactement cet aspect: ici on a un pélobate allemand (plus précisément franconien!).
Admirez aussi le petit museau, la stature fine (il est petit: à peine 6 à 8cm), et surtout les yeux! Ces grands yeux, presque des yeux de chats, ne sont-ils pas en mesure de rivaliser avec les personnages "kawaï" des mangas japonaises?

Creuser pour survivre
Notre petit amphibien affectionne les plaines ou les zones de collines basses au sol meuble. C'est un point important, car il passe l'hiver enterré profondément dans le sol: parfois jusqu'à 2 m de profondeur! Tout comme son cousin le pélobate à couteaux (encore appelé de façon plus pédante "cultripède") il possède pour creuser un appendice endurci au niveau des pattes postérieures, les fameux "couteaux". Il est d'ailleurs capable de s'enterrer à une vitesse incroyable, que vous pourrez observer dans cette vidéo. On peut comprendre qu'une modification du sol ou sa pollution n'œuvreront pas nécessairement pour sa survie.
Dans cet environnement il se nourrit surtout de coléoptères, grillons et criquets, vers, cloportes, escargots et vers de terre. Ici encore, la qualité de l'environnement aura une importance.

Chantons sous... l'eau
Au tout début du printemps, les adultes rejoignent leur lieu de reproduction, pour se reproduire. Les mâles attirent les femelles en chantant. Comme ils n'ont pas de sacs vocaux, le chant est peu puissant. Il est de plus émis généralement sous l'eau, ce qui le diffuse et rend les animaux très difficiles à localiser. On peut retranscrire ce chant comme un grave "woc-woc"... mais c'est plus simple de l'écouter directement. Le souvenir que je garde de ma "sortie pélobate", c'est le fameux faible "woc-woc", sur fond de bruit d'autoroute!

A petit crapaud gros têtard
Les rubans d'œufs issus de l'accouplement (qui se passe comme chez les autres crapauds par un accorchage très serré du mâle à la femelle) sont accrochés à la végétation. Comme ceux des autres pélobates, ils sont facilement différentiables de ceux des autres espèces: les rubans sont bien plus larges, atteignant 2 cm de diamètre. On peut comparer la forme des pontes à celles d'autres espèces en regardant ce chouette site (en anglais).
Les têtards issus de ces pontes grandiront (s'ils survivent) jusqu'à une taille impressionnante: près de 10cm, soit une taille très proche de celle des adultes.
Wikipedia fournit l'image impressionnante d'un de ces têtards à côté d'un têtard prêt à sortir d'un crapaud commun. On peut aussi faire la comparaison ici. Cette grande taille leur permet de se reproduire rapidement: parfois dès leur première année, mais généralement à leur seconde année.

Et les vampires?
Manifestement, notre crapaud a une défense spéciale contre eux: quand on l'effraie, il dégage une douce odeur d'ail. Ceci lui vaut d'ailleurs le joli nom de Knoblauchkröte en allemand, ce qui signifie "crapaud-ail". Apparemment, il n'y a pas que les vampire ou les aliophobiques qui peuvent être incommodés par les sécrétions odorantes: l'injection de ces sécrétions à des souris s'avèrent mortelles pour elles, à cause d'une toxine entraînant hémorragies et hémolyse (mais apparemment ce ne serait pas la cause de l'effet mortel). Je n'ai malheureusement pas plus de renseignements sur les effets de la substance, car à part nos intrépides chercheurs tchèques ayant eu l'idée de torturer des souris peu de personnes se sont intéressées à la chose. Ceci dit, je n'ai pas observé d'effets chez les naturalistes que j'ai vu manipuler l'animal: tant qu'on n'a pas l'idée de le lécher ou le mordre, ou se lécher les mains après manipulation, il semble qu'on ne risque pas grand chose!

Toujours à l'Est
J'ai pu observer l'espèce en Allemagne. C'est quasiment la limite Ouest de répartition de l'espèce, qui est en fait bien plus répandue à l'Est. N'y a-t-il donc pas de pélobate brun en France? Mais si! En Alsace, mais aussi une toute petite populations dans la Creuse (à Argenton-sur-Creuse), qui résiste encore et toujours... qui a dit qu'il n'y avait rien d'intéressant en Creuse? (je vois d'ici arriver les commentaires outrés de creusois. Je précise donc: j'aime beaucoup la Creuse!).

Allez, une dernière petite photo, et on laisse notre timide s'enterrer! Bibliographie:
J'ai été flemmarde, donc je ne me suis basée que sur internet...
Wikipédia en français est assez peu informatif:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pélobate_brun
En anglais ce n'est pas beaucoup mieux:
http://en.wikipedia.org/wiki/Common_Spadefoot
Par contre en allemand c'est très fourni :-)
http://de.wikipedia.org/wiki/Knoblauchkröte
Si on veut lire du français, mieux vaut se tourner vers herpfrance:
http://www.herpfrance.com/fr/amphibien/pelobate_brun_pelobates_fuscus.php
Le site de l'UICN répertorie l'espèce dans sa liste rouge, mais avec un indice assez faible, au vu de l'importance de sa répartition et de ses populations:
http://www.iucnredlist.org/details/16498/0
Mais ça reste une espèce fragile, menacée en France, et aussi en Italie (où les populations sont classées comme sous-espèce):
http://amphibiaweb.org/cgi/amphib_query?query_src=aw_lists_genera_&where-genus=Pelobates&where-species=fuscus
En cherchant des images des pontes, j'ai découvert cet excellent site, qui permet de déterminer les pontes et têtards (attention tout de même: le site est allemand, certaines espèces manquent donc pour la France).
Je remets le lien sur l'étude de la toxicité des sécrétions du pélobate brun:
http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ArticleURL&_udi=B6TCS-475KCBN-3&_user=10&_rdoc=1&_fmt=&_orig=search&_sort=d&view=c&_acct=C000050221&_version=1&_urlVersion=0&_userid=10&md5=7ced394fbce7863b4ef4040058d9a9b4
Et je termine par une vidéo trouvée au hasard du net (j'adore!)
http://www.youtube.com/watch?v=l-lSqABSnMY&hl=fr

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